Film
„On va réduire la voilure“, prétendaient idiotement les deux directeurs artistiques du LUFF il n’y a pas si longtemps. Paroles, paroles, comme disait l’autre, car la voilure n’a certainement pas diminué. Il est même possible qu’elle ait grandi… Faisons les comptes en vitesse; 5 jours de festival, 92 films, 24 concerts, 5 workshops, 11 perfos L'OFF, 3 conférences, 4 vernissages, 2 expositions, 1 livre, 8 lieux, auxquels s’ajoutent la toujours dynamique radio LUFF.FM, et les très productifs vidéastes de LUFF.TV.Ce n’est qu’après avoir fait un pas en arrière et observé la situation que l’on se rend compte de la chose. Alors certes, il n’y a ici aucun record battu, aucun exploit remarquable; simplement le constat satisfaisant du résultat de nos efforts. On a voulu la réduire, cette voilure, histoire de nous ménager, mais rien à faire: l’enthousiasme et l’envie d’offrir à un maximum d’artistes plus ou moins obscurs d’être représentés prend toujours le dessus. Avec L'OFF -qui a définitivement ajouté une nouvelle dimension au festival ces dernières années- et la programmation musicale, une thématique s’est extirpée : celle du son comme arme ou outil d’oppression, de manipulation. Un sujet passionnant, pas seulement parce qu’il est marrant, mais parce qu’il met en évidence des méthodes d’assujettissement que nous ignorons presque tous. Elles sont effrayantes, elles sont nocives, et comme tout ce qui est effrayant et nocif, mieux vaut jouer avec tout en en prenant conscience plutôt que de les laisser nous avoir. Attendez-vous donc à subir lors de mises en pratique plus ou moins annoncées, mais aussi à apprendre grâce à la présence de performeurs ou orateurs spécialistes en la matière.
Quant à la partie cinématographique, qui fait plus ou moins cavalier seule cette année (à l’exception de la présence des sadiques et experts Vicky Langan & Maximilian Le Cain visibles aussi bien sur la scène de la Salle des Fêtes que dans les films de l’Experimental Film Society), elle revêt presque des atours de rubrique nécrologique. On y trouve un hommage au sulfureux réalisateur grec Nikos Nikolaidis, disparu il y a tout juste dix ans, une rétrospective consacrée au fondateur du nécroréalisme Yevgeny Yufit, qui nous a quitté prématurément en décembre dernier, et la présence en version restaurée du chef d’œuvre expérimental «Uliisses» signé de l’allemand Werner Nekes, décédé au mois de janvier. Mais vigueur et vitalité seront présentes, n’en doutez point, grâce une programmation pléthorique, voire orgiaque, où bruit, fureur, stupre, mauvais genres et poésie s’uniront d’une seule voix dans des entremêlements d’images et de fréquences aussi bonnes pour votre esprit qu’un massage à l’aloe vera peut l’être pour votre épiderme. Et si vous avez un doute sur de telles vertus, dites-vous simplement que ça ne peut pas faire de mal. Bon festival à tous!
Julien Bodivit